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South Park -le Film
Plus long, plus grand et pas coupé



Deux années après la première diffusion de la fameuse série TV animée sur le réseau câblé Comedy Central (le 13 août 1997), ses deux créateurs Trey PARKER et Matt STONE sortaient dans les salles obscures le film dérivé Bigger Longer & Uncut. Loin de n'être qu'une adaptation commerciale de plus, le film s'avère être un divertissement exceptionnel sur lequel Frames se propose de revenir.


MAUVAIS GOÛT ASSUMÉ

Après avoir assisté à la projection du film des deux acteurs canadiens Terrance et Phillip (interdit aux mineurs) dont ils sont fans, Stan, Kyle, Kenny et Cartman s'empressent d'annoncer à leurs camarades de classe tout le nouveau vocabulaire vulgaire qu'ils y ont appris. Les mères de familles scandalisées veulent combattre la source du problème, à savoir le pays d'origine, et donc par cette occasion créent la ligue anti-Canada. De là s'enclenchera une guerre entre le gouvernement américain et le Canada...

Partant de ce postulat simple mais suffisament stupide pour être des plus alléchants, South Park -le Film arrive à pratiquement exploiter tout le potentiel que son sujet bien barré pouvait proposer. En effet, PARKER (qui a lui-même adapté sa création pour le grand écran -c'est ce qu'on appelle un gage de qualité !) a maintenu le niveau de qualité développé dans la série originelle, réussissant même dans quelques scènes à le revoir à la hausse. Alors que le film n'aurait pu devenir qu'une simple compilation des meilleurs gags de la série (donc inutile et médiocre), notre homme préfère épuiser son concept jusqu'au bout et livrer ainsi une première demie-heure tout bonnement anthologique. Si l'on pouvait émettre quelques craintes quant à la réussite du projet, ce tiers de film ne nous permet plus d'en douter. Après une chanson d'introduction au refrain particulièrement honteux ("Quelle joie de vivre dans une petite ville de bouseux débiles" -sic) suivie d'une scène à pleurer de rire (l'extrait du film de Terrance et Phillip et leur fameux Uncle Fucka, figurant à coup sûr parmis les grands moments de South Park), les situations improbables (Saddam HUSSEIN nous est déclaré en début de film comme tué par une meute de sangliers sauvages -resic ; les enfants pouvant voir le film interdit après avoir payé un sans-abri pour être leur tuteur...), les dialogues plus crus encore que dans la série (le nombre d'injures proférées est incroyables) et les détails faisant écho aux épisodes télé fusent. Toutes ces qualités, alliées à des personnages toujours aussi comiques et à un montage réussi, rendent cette demie-heure quasiment parfaite, hilarante d'un bout à l'autre.

Mais l'inconstestable valeur développée dans Bigger Longer & Uncut tient dans sa manière de faire la critique d'un bon nombre de structures des Etats-Unis. Ainsi la politique (une réunion de l'ONU où les hommes politiques en viennent carrément aux insultes), la médecine (les chirurgiens incompétents qui n'ont pu empêcher la mort de blessés font semblant de pleurer avant de partir en sifflotant), la censure (à l'origine de la guerre), mais aussi le monde du show-business (l'exécution des deux comiques canadiens pour crime contre l'humanité est précédée d'un grand show en compagnie de célébrités) se voient malmenées et ridiculisées. L'armée n'est pas non plus épargnée avec sa sublime publicité de propagande "La Guerre en Marche" (et son excellente phrase qui nous rappelle le contexte de la Seconde Guerre Mondiale). Aucun doute, PARKER et STONE portent un regard des plus acerbe sur leur pays.

Toutes ces qualités demeurent par la suite. Les saynètes musicales sont finement amenées et l'ambiance sonore est primordiale dans la réussite de certaines scènes (lire la chronique de la BO du film). Les répliques caustiques, les bonnes idées (les puces anti-gros mots implantées dans les cerveaux...), les passages en enfer (qui sont parmi les plus osés du long-métrage) et l'humour grinçant restent présents. Néanmoins il est évident que Bigger Longer & Uncut ne pouvait garder ce niveau d'excellence tout du long... Ainsi les vingt-cinq dernières minutes en pâtissent quelque peu. Le montage paraît moins irréprochable, le rythme quelque peu trop rapide, précipité et moins efficace. Dommage. On oubliera pourtant une partie de ces relatives faiblesses en voyant la fin, jubilatoire.

Bref, les auteurs de South Park ont brillamment réussi leur adaptation sur grand écran (entreprise honorable s'il en est tant le projet paraissait risqué) en poussant leur talent à son paroxysme et en livrant une diatribe sur la société américaine. Même si l'humour dévastateur, le rythme et l'ambiance du film d'une heure vingt minutes n'a aucune raison de rougir de la comparaison avec un épisode de vingt minutes, nous conseillerons aux néophytes de découvrir d'abord la série avant de se précipiter sur ce qui reste une excellente comédie bien plus intelligente qu'il n'y semble de prime abord.

Johann Gourlet



Fiche technique


- Titre original : South Park : Bigger Longer & Uncut.
- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 21 mn.
. Interdit aux moins de 12 ans.
- Date de sortie France : 25 août 1999.
- Production : Warner Bros., Paramount Pictures et Comedy Central.
- Réalisateur : Trey PARKER.
- Scénario : Trey PARKER, Matt STONE et Pam BRADY, d'après la série télévisée créée par Trey PARKER et Matt STONE.
- Doublage VO : Trey PARKER, Matt STONE, Mary Kay BERGMAN, Isaac HAYES...
- Musique : James HETFIELD, Trey PARKER et Marc SHAIMAN.
- Sortie DVD : 3 mai 2000.
- Lien Internet : http://southpark.grooky.com/

 

"Les auteurs de South Park ont brillamment réussi leur adaptation sur grand écran en poussant leur talent à son paroxysme et en livrant une diatribe sur la société américaine"