Carl
Barks

Le
géant qu'était Carl BARKS s'est éteint le 25 août 2000 à l'âge de 99
ans, des suites d'une leucémie…
Cette disparition étant injustement passée inaperçue, Frames tenait
à vous présenter la carrière de cet illustrateur de renom, dont l'influence
dans le domaine du cinéma d'animation est plus importante qu'on ne l'imagine…
Avant
tout, rendons à César ce qui appartient à César,
et rappelons qu'en France sa renommée est principalement due
à Pascal PIERREY, promu rédacteur en chef de Picsou Magazine en 1998
(magazine dont l'apparence 'jeune' et même 'gamine' est trompeuse, certains
numéros renfermant de véritables petits bijoux du grand BARKS)…
UNE
ENFANCE DIFFICILE
Né dans une ferme des environs
de Merril (Oregon) le 27 mars 1901, Carl BARKS a eu une enfance pour
le moins tumultueuse. Pourtant dès 1910, date à laquelle
il déménage pour la Californie, Carl BARKS commence déjà
à s'intéresser au dessin.
Alors
qu'il n'a que 15 ans, sa mère décède. Très
affecté, il quitte l'école et aide activement son père à la ferme,
et passera ainsi ses vingt premières années à travailler dur pour cent
sous, que ce soit dans le ranch parental ou dans divers petits boulots
pour le moins physiques (métallurgiste, bûcheron, charpentier,
réparateur de chemins de fer…), sans pour autant négliger sa passion
pour le dessin puisqu'il participe à la même époque au London School
of Cartooning.

Carl BARKS en famille, en 1906 (deuxième en partant
de la droite)...
Une
vocation serait-elle née ? Bien décidé à
tenter sa chance, Carl part en 1918 pour San Francisco, avec la ferme
intention de devenir illustrateur. Hélas durant deux longues
années toutes les portes restent aussi fermement closes. Penaud,
notre homme retourne alors dans sa ville natale, se marie en 1923, et
trouve la même année un emploi à la Pacific Fruit Express de Sacramento.
De là, il aurait pu se contenter d'une petite vie pépère...
CHASSEZ
LE NATUREL...
Pourtant,
Carl BARKS n'est pas homme à baisser les bras, et cette envie
de percer dans le domaine de l'illustration reste tenace. 1928 lui donne
enfin l'opportunité de placer son premier dessin dans The Calgary
Eye-Opener (une revue canadienne). N'y voyez pas de lien direct de cause
à effet, mais en 1930, Carl divorce de sa première femme et rejoint
un an plus tard l'équipe de The Calgary Eye-Opener à Minneapolis. Sa
prolifique carrière ne fait que commencer.
Un
certain Walt DISNEY est enthousiaste lorsque celui-ci lui montre ses
dessins, et en 1936 la firme l'embauche dans les studios en qualité
d'animateur. On lui confie ainsi le dernier-né des studios de la souris
aux grandes oreilles : un certain Donald Duck… sur lequel il planchera,
notamment en vue de lui offrir la vedette d'un long-métrage.
Hélas,
ce qui devait être le premier film cinématographique mettant
en scène le palmipède irascible ne verra jamais le jour,
ce qui n'empêchera pas ce cher Carl de transformer son story-board
en bande dessinée, et ainsi de publier son premier comic-book (en
collaboration avec l'illustre Jack HANNAH, ce comic book fut édité par
Dell Publishing en 1942 sous le titre Donald Duck Finds Pirate Gold).
Le succès est tel qu'une séquelle est engagée, et le rôle
de Barks sera majeur sur les séries dérivés Walt
Disney's Donald Duck, Walt Disney's Comics and Stories et Walt Disney's
Uncle Scrooge. Au fil du temps Carl peaufinera la véritable personnalité
de râleur perpétuel et de farceur un rien teigneux de l'inénarrable
Donald.
Pendant
six ans il travaille en parallèle sur une trentaine de courts-métrages
axés sur la personnalité de ce canard pour le moins attachant malgré
son caractère bougon (Donald's Nephew's, Self-Control, Donald's
Better Self et Mr Duck Steps Out se distinguent), avant de devoir aller
vivre avec sa seconde femme dans un ranch de San Jacinto, à l'est de
Los Angeles (Californie) pour des raisons de santé. Un départ
qui signe son retrait précipité des studios Disney.
Il
se consacre alors uniquement à la bande dessinée. Carl BARKS a 40 ans,
et pendant un quart de siècle, il va mettre en scène Donald dans des
aventures bien ficelées et aux scénarios étonnants. Ces histoires et
diverses illustrations alimenteront alors bien des magazines et, touche-à-tout,
notre homme scénarisera également en parallèle
d'autres séries, dont The Victory Garden pour le compte de la
revue Western Publishing (estampillée Disney), Andy Panda pour
New Funnies en 1943, et d'autres bandes dessinées pour Boy's and Girl's
March of Comic entre 1947 et 1949.
C'EST
LA DANSE DES CANARDS
Mais,
de tous les artistes de l'école Disney, c'est surtout lui qui
va imaginer tout un univers autour du palmipède malchanceux, à commencer
par Balthazar Picsou (qui apparaît pour la première fois dans
Christmas on Bear Mountain en 1947). Suivront l'horripilant Gontran
Bonheur (1948), les sournois frères Rapetou (51), l'étonnant
Géo Trouvetou (52), le machiavélique Gripsou (56), la délicieuse
Daisy et ses nièces -Lulu, Lili, Zizi, peu connues dans l'hexagone
(65)-, et tout un univers trop vite catalogué "pour enfants" (la faute
aux autres auteurs qui le reprirent). Il est vrai que les traducteurs
français ont réalisé un boulot désastreux, notamment au niveau des noms…
A noter que dès 51, BARKS s'intéressa également aux Castors Juniors
dont la première véritable aventure voit le jour en 1968...
BARKS
s'emploiera à inventer des histoires intéressantes et non répétitives,
en évitant des niaiseries parfois propres aux bédés Disney. Tellement
inventif qu'il fut à l'origine de grandes idées reprises dans des films
comme Les Aventuriers de l'Arche Perdue (avec ce moment-culte où Indiana
Jones est poursuivi par une énorme boule l'incitant à s'enfuir en courant…).
George LUCAS et Steven SPIELBERG assumant cette inspiration, ça ne peut
que forcer le respect !
MARRE
DE DONALD ? VOILÀ PICSOU...
Interrogé
en 1984 sur ce qu'il ressentait lorsqu'il devait dessiner des histoires
avec Picsou, Carl BARKS répondit : "C'est un nouveau ressort.
Je commençais à avoir du mal à trouver des idées nouvelles pour
Donald. Tout d'un coup, un nouveau personnage est apparu, dont je pouvais
développer la personnalité pendant plusieurs années. C'était comme si
une nouvelle plante sortait de terre et que je devais la nourrir pour
qu'elle apporte tout un lot de tomates. Et j'avais l'ancienne plante
également : je pouvais toujours justifier ce que faisait Picsou en plaçant
Donald dans la même situation".
Profitons-en donc pour faire une digression sur cet atypique personnage,
unique dans l'histoire de la bande dessinée et du cinéma
d'animation.

En
1947, Carl BARKS crée donc l'oncle de Donald. Uncle $crooge McDuck (en
VO) est un surprenant mélange. Il est inspiré de l'Ebenezer Scrooge
de Charles DICKENS et de l'oncle Bim de la série américaine The Gumps.
Il ne s'agit que de vagues ressemblances mais l'inconscient de monsieur
BARKS lui a sans nul doute rappelé d'anciennes lectures... Lors
de sa première apparition dans Christmas on Bear Mountain (Noël au Mont
Ours en VF), l'oncle Picsou n'est qu'un prétexte à l'histoire : on le
voit peu. Qui est-il vraiment ? En 1947, Carl BARKS lui-même ne
le sait pas encore. Jusque là, toutes ses créations s'étaient révélées
éphémères -hormis Donald. Mais cette fois, les choses sont différentes
et tout va très vite.
La
figure de l'oncle Picsou s'impose rapidement d'elle-même comme incontournable,
son caractère se dévoilant chaque fois un peu davantage : poltron
dans Le Secret du vieux château, égoïste dans Envoûtement vaudou, revanchard
dans Lettre à Saint Nicolas, impétueux dans Le perroquet calculateur,
avide dans Le sablier magique et même généreux dans Retour au
Klondike (si si, on vous jure !). Et cette évolution est exclusivement
l'œuvre de BARKS. Mais Retour au Klondike (52) marque le point final
: BARKS crée un passé de chercheur d'or à l'oncle de Donald et semble
le définir une fois pour toutes. Dès lors, Picsou ne changera
plus.
Unanimement
salué et accepté, de grands dessinateurs américains comme Frank
McSAVAGE ou Paul MURRY le reprendront par ailleurs à partir de 1951.
Dans Les combattants du feu de MURRY, Picsou fait figure de vieil acariâtre
(il croit que Donald et Dingo lui ont joué un tour en lui faisant croire
que sa maison est en feu. Il décide alors de rester seul, tout en espérant
que la maison de Donald brûle elle aussi !). Dans ce cas précis, Picsou
est véritablement le personnage peu aimable des premières histoires
de BARKS. Mais cette période transitionnelle ne dure pas longtemps :
une fois le comic-book Uncle Scrooge lancé, Carl BARKS s'occupera
de la majorité des histoires de Picsou.
Ce
n'est qu'au milieu des années soixante que d'autres dessinateurs prennent
la relève (petit à petit, et ce sera surtout Tony STROBL). Entre-temps,
le mélange explosif prend feu. Une création aussi forte que l'oncle
Picsou, si bien introduite par Carl BARKS, convainc tout le monde. En
quelques années, Picsou devient l'un des personnages majeurs de l'univers
Disney, et le seul inventé pour la bande dessinée. Barks ne cesse de
jouer sur le côté comique de Picsou. Ce palmipède est à la fois
avare et drôle : il joue constamment la comédie et tout chez lui est
exagéré au centuple. Il est gourmand, râleur, mais sympathique. Pourtant
le côté un peu "fou-fou" de ses histoires va disparaître peu
à peu. Picsou ne sera plus le double coléreux et bagarreur de Donald
; sa position de chef de famille lui conférera une certaine autorité
sur ses parents-canards, à l'exception de Grand-mère Donald, qui, elle,
est de la même génération et échappe à la règle.
LA
PATTE DES ITALIENS MET PICSOU À
LEUR SAUCE (AH AH)
BARKS
développera tout cela mais il n'y aura plus de réels changements après
le milieu des années 50. Cependant, d'autres dessinateurs en Italie
vont proposer une version différente du richissime oncle de Donald.
C'est Romano SCARPA, l'un des plus grands dessinateurs italiens, qui
signe l'une des premières versions du Paperon de' Paperoni italien.
Donald et les écrevisses en civet (1956) est l'une des histoires les
plus complexes de la BD Disney (tout commence sur une succession d'événements
mystérieux et de détails étranges : Donald est à la recherche d'un grand
scientifique enlevé -qu'il ne retrouvera jamais. L'enlèvement se révélera
être un faux enlèvement, organisé par l'oncle Picsou. Machination diabolique
qui devait lui permettre de racheter pour une bouchée de pain l'un des
plus grands quotidiens de la ville dont le rédacteur en chef est l'oncle
Gédéon, une création de SCARPA). Pour sa part, Guido MARTINA a fait
de Picsou un "oncle-de-Donald" complètement différent. C'est un escroc,
ou plutôt une personne qui tire sans cesse parti de sa position d'oncle
et de son argent -et d'une façon toujours déloyale. MARTINA jouant sans
cesse sur le registre de l'humour et de la dérision, l'oncle Picsou
reste pourtant un personnage sympathique.
Définitivement,
ses traits de caractère façon MARTINA sont d'ailleurs singuliers.
Il n'est pas avare, mais insatiable. Il n'est pas autoritaire, mais
esclavagiste. Mais si Picsou est sans scrupules, tous les personnages
adultes évoluant avec lui ne sont pas plus sujets aux cas de conscience
douloureux, qu'il s'agisse de Donald (ignorant et fainéant), de Daisy
(intriguante) ou de Gontran (arrogant mais lâche). MARTINA, à
la différence de BARKS, est peu porté sur l'aventure comme chez ce dernier,
mais plus sur les personnages et les intrigues. Les scènes de dispute
entre Donald et ses neveux peuvent se prolonger sur plusieurs dizaines
de pages, et il en est de même entre Picsou et Donald. Il reste donc
dans le Picsou italien des thèmes proches de BARKS, mais les relations
imaginées par MARTINA entre Picsou et ses neveux, essentiellement conflictuelles,
n'ont rien à voir avec BARKS, qui a souvent représenté Picsou et Donald
unis contre un ennemi commun.
D'autres
dessinateurs ont apporté leur touche, avec toutefois un nombre
moins important de grandes histoires. Giuseppe PEREGO a surtout bien
travaillé au début de sa carrière, dans les années 1952-60, puis a régressé,
en partie parce qu'il s'est consacré aux pages de raccordements entre
les histoires pour les Classici Disney (en France Mickey Parade) -un
travail ô combien ingrat. On pourra aussi citer Pier Lorenzo De
VITA, Giulio CHIERCHINI (spécialiste des scènes "agressives"
qui conviennent si bien à Picsou), Rodolfo CIMINO, Giorgio PEZZIN ou
encore le génial Massimo De VITA, fils de Pier Lorenzo.

Passation de pouvoir entre Carl BARKS et son disciple
Ken Don ROSA ?
Peut-être bien... (vignette issue de la Jeunesse de Picsou)
D'autre
part, on citera le très apprécié (des connaisseurs)
Mau HEYMANS, originaire des Pays-Bas. Ses histoires sont proches de
celles de BARKS -modèle forcément incontesté- mais gardent une
certaine dose d'originalité et de nouveauté. Les thèmes modernes sont
abordés et sont autant de sujets et de possibilités nouvelles, la psychologie
des personnages étant la seule donnée inchangée... Il est par
contre regrettable de constater que les dessinateurs français, Claude
MARIN et Claude CHEBILLE en tête (étant parmi les meilleurs dans
le domaine), n'ont jamais beaucoup apprécié les Picsou ou les Donald.
"Trop frénétique, trop nerveux à dessiner" s'accordent-ils à
dire. Les meilleures histoires de Picsou découvertes en France
sont donc en fait des réalisations italiennes, Giorgio CAVAZZANO
ou Gino ESPOSITO pour les années 80, et depuis 85 par des dessinateurs
espagnols, dont Maximino TORTAJADA, Marga QUEROL Santiago BARREIRA.
Enfin, l'illustre -à juste titre- Keno Don ROSA a repris le flambeau
depuis 87 (et réalisera la savoureuse saga la Jeunesse de Picsou).
Beaucoup de dessinateurs -que nous ne citerons pas ici pour éviter
la saturation d'informations !- continuent donc encore à faire vivre
Picsou aux États-Unis, au Brésil et au Danemark... et il convient notamment
de citer le canadien William VAN HORN.
MÉTRO, BOULOT... BOULOT !
Le
30 juin 1966, Carl BARKS part officiellement en retraite en prenant
congé des studios Disney, mais dès 68 lui reprend sa passion
pour la peinture Duck. Que faire ? Fait alors unique dans l'histoire
du studio yankee, un employé débauché -artiste
ou pas, un employé reste un employé- obtient une dérogation
qui l'autorise à reproduire les personnages Disney ("Je suis la seule
personne autre que Walt DISNEY à qui on ait jamais permis de signer
de son nom une peinture des personnages Disney") ! BARKS acquiert
alors réellement une célébrité, et est reconnu en tant que "Carl
BARKS" et non "auteur de chez Disney". Ses peintures à l'huile -reprenant
les grandes couvertures de comics qu'il avait réalisées par le
passé- se vendent alors à des sommes astronomiques et rencontrent
un énorme succès. Il réalisera en tout plus de 120 sérigraphies.
Suprême
reconnaissance de la profession, Carl BARKS reçoit le 22 octobre 1991
un trophée qui fait définitivement de lui "A Disney Legend".
S'il subsiste encore quelques
auteurs comme le fabuleux Don ROSA (dont le style graphique est sublime),
la disparition de Carl BARKS, surnommé le "Duckman" (homme-canard),
laisse un grand vide. Au moment où la nouvelle nous était parvenue,
à l'été 2000, la sensation d'une perte immense s'était mêlée aux souvenirs
heureux que cet auteur prolifique avait su nous faire partager dans
ses bandes dessinées.
À
PROPOS DE BARKS
Dans
un entretien réalisé en 2001, Jean-Paul Jennequin parlait
de sa fierté à traduire les comic-books du grand
Carl BARKS. Il convient de rappeler que M. Jennequin est une pointure
dans le monde du comics en France. Longtemps traducteur des titres
Disney, ses connaissances encyclopédiques en matière de bande dessinée
-anglo-saxonne ou non-, lui ont valu de nombreux postes au sein de différents
éditeurs (Marvel France, Bethy, Dino...). Se prêtant aussi parfois à
l'exercice de la création -tant au niveau du scénario que du dessin-,
il est avant tout un excellent traducteur, notamment pour Delcourt (il
s'est ainsi occupé dernièrement des 500 pages de l'énorme From Hell
d'Alan MOORE et Eddie CAMPBELL).
Dans
le bref extrait qui suit, Jean-Paul Jennequin répond par l'invective
aux imbéciles qui dénigrent son travail de traduction
sur des séries dites populaires, qu'il s'agisse des Simpson ou
de l'œuvre dudit Carl BARKS. À
méditer.

Autoportrait (peu flatteur !) de Barks
Depuis
peu, vous vous êtes lancés dans une nouvelle aventure avec Dino France.
Le fait que Jean-Paul Jennequin, considéré par certains comme le spécialiste
français n°1 en matière de BD anglo-saxonne se lance dans les Simpson
et surtout Digimon, en a beaucoup déçu je crois. Mais c'est un certain
retour aux origines quand on sait que vous avez travaillé pour les revues
Disney comme Picsou Magazine dans le...
Jean-Paul
Jennequin :
Oui mais non non non ! Attendez, attendez, attendez... Je place les
choses dans leur contexte : d'abord pour moi Dino France c'est déjà
du passé, puisque ça fait deux ou trois mois que je n'y travaille plus.
C'est-à-dire que j'avais accepté de les aider à faire le lancement.
Moi ça ne me paraît pas du tout contradictoire de travailler sur les
Simpson ; par contre Digimon, ça on me l'a un peu imposé : même si j'ai
regardé les dessins animés, et les ai trouvé sympa, je n'avais pas spécialement
au départ signé pour faire Digimon. Quand aux Simpson, ça a un peu été
une déception pour moi, parce que j'espérais pouvoir faire un vrai travail
rédactionnel là-dessus, avoir l'occasion de travailler vraiment dans
la presse populaire, quelque chose que j'avais envie de faire ; et ça
ne s'est pas révélé possible, parce que la compagnie qui édite les Simpsons
aux Etats-Unis [Bongo Comics] exerce un contrôle assez draconien sur
sa propriété, ce qui est bien, parce que cela évite qu'on fasse n'importe
quoi avec, mais ça évite malheureusement aussi qu'on puisse prendre
trop d'initiatives, et donc toutes celles que je souhaitais prendre
n'ont pas été acceptées, donc j'ai préféré jeter l'éponge.
Par contre,
je continue depuis des années à traduire du Disney. J'en suis très fier,
parce que je traduis Carl BARKS, et Don ROSA, qui sont de très grands
auteurs de bande dessinée : Carl BARKS, qui vient de s'éteindre à l'âge
de 99 ans, est un des grands maîtres de la bande dessinée aux Etats-Unis,
c'est le créateur de Picsou, de Gontran Bonheur, de Géo Trouvetou, c'est
lui qui a créé l'organisation des Castors Junior, les Rapetou, etc.
Chaque fois que je traduis une de ses histoires, je suis encore sidéré
par les qualités de ses scénarios, de son écriture, de son graphisme.
Je suis
fier, aussi fier au moins de traduire Carl BARKS que de traduire Alan
MOORE, et je ne vois pas du tout en quoi le fait de traduire ces auteurs
de BD populaire, mais qui sont de vrais auteurs -comme il y a
eu une politique d'auteurs au cinéma mise en avant par des critiques
comme François TRUFFAUT, à l'époque où il était encore critique. Je
veux dire : il y a également des auteurs en bande dessinée qui travaillent
dans la bande dessinée populaire, et qui ont pu imposer une œuvre d'auteur
dans la bande dessinée populaire : Carl BARKS en fait partie, et l'un
de ses successeurs, Don ROSA, fait un travail absolument extraordinaire
encore aujourd'hui, et je dirais que les gens qui ne lisent pas Picsou
Magazine, parce que c'est des histoires de canard et qu'ils pensent
que c'est pour les gosses [rires] sont des idiots, parce que
s'ils aiment des histoires d'humour classiques, d'aventure humoristique,
etc., bien construites, bien foutues, avec de vrais personnages, un
véritable univers, un sens du rythme extraordinaire, etc, il faut lire
ça quoi !
Moi, je
suis abasourdi quand des gens me disent "Ah, vous êtes tombé bien
bas en traduisant les Simpson ou en faisant du Picsou !" (...)
Moi j'estime que ce qui est important dans la bande dessinée, comme
dans n'importe quel art, c'est les qualités qu'on y met, et pas le genre
dans lequel on travaille !
________________
A
bon entendeur...
Gersende Bollut
A
consulter
- l'excellent fanzine SWOF n°27 (daté
juin 1999). Couverture illustration US Carl BARKS Visitor from underground.
Interview de l'auteur, Sur les traces de Carl BARKS, Les canards les
plus humains, Dossier $crooge McDuck.
Sources
précieuses d'informations à l'origine de cet article
- François Willot (pour sa culture phénoménale
concernant l'historique du personnage de Picsou), Jean-Paul Jennequin
(pour ses propos d'une rare franchise et le plaisir qu'il nous offre
en traduisant les histoires des habitants de Donaldville), et tous les
fans du grand BARKS !
|
|
|
|
"Je
me suis toujours senti malchanceux, comme Donald, qui est souvent victime
de mauvais concours de circonstances"
Carl Barks
"Je
suis abasourdi quand des gens me disent : "Ah, vous êtes tombé bien
bas en traduisant les Simpson ou Picsou !". J'estime que ce
qui est important dans la bande dessinée, comme dans n'importe quel
art, c'est les qualités qu'on y met, et pas le genre dans lequel on
travaille !"
Jean-Paul
Jennequin
|