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La Belle au Bois Dormant


C
omment peut-on décemment reprocher quoi que ce soit à un vieux classique Disney, avec tout ce que cela suppose de magie, d'étincelle dans le regard de tout spectateur digne de ce nom, et de souvenirs qui reviennent, pêle-mêle, entre les brioches au chocolat englouties devant leur diffusion, à l'heure du goûter... et les parents assis à nos côtés qui, un rude soir d'hiver, nous tapotant la tête, nous assuraient qu'"au moins, ça, c'est intelligent. C'est pas du Goldorak...". Mais je m'emballe.


LE FILM DE TROP ?

En arrivant après Blanche-Neige et Cendrillon, la Belle au Bois Dormant prenait le risque (insensé) de jouer la carte du déjà vu. La belle jeune fille éprise d'un prince charmant, à qui il arrive un funeste sort, et qui bien sûr voit son dénouement heureux. La suite, on la connaît, ils vécurent heureux, et patati et patata... Reste pourtant que ce long métrage fait grandement honneur à la filmographie du maître Walt. En évitant les écueils auxquels on risque de recourir avec ce genre de scénario, le film charme et continue, bien après sa sortie, de captiver.

D'inspiration moyenâgeuse, les décors du film sont d'une splendeur absolument inégalée dans un film d'animation. Le moindre détail est pensé, fignolé... soigné. Rien n'est laissé au hasard et les rétines du spectateur sont sans cesse sollicitées et flattées. Premier film du studio ayant les faveurs du Cinémascope, le format obligea les animateurs à plancher sur leurs cellos de longues années, pour arriver à ce niveau de qualité absolument dantesque, qui n'a rien à envier aux plus récentes productions. Aujourd'hui encore, la bataille entre le prince et le dragon (alias Maléfique) est époustouflante. Aujourd'hui encore, les intérieurs du palais royal sont somptueux. Aujourd'hui encore, la magie Disney fonctionne. La patine du temps fait tout le charme de ce long métrage, aux situations tour à tour cocasses -les interventions des trois fées- ; tantôt émouvantes -la superbe chanson Once Upon A Dream.

Pourtant, une image passablement surannée plane autour de ce film. D'aucuns parlent d'œuvre vieillotte, de romantisme bon marché, mais omettent de signaler son extrême qualité graphique, son contexte de production qui le singularise particulièrement, et peut-être surtout son aura redoutable. A plus d'un titre cette réputation est de toutes façons injustifiée. Preuve en est cette réplique, donnant une modernité incroyable à un long métrage dont le cadre est planté en plein Moyen-Âge. Le roi, déclarant de toute sa prestance à son fils qu'il épousera la princesse qu'il a choisie pour lui, et ce dernier refusant, sous prétexte qu'il en pince déjà pour une autre (évidemment celle-ci s'avère être, par un quiproquo typiquement théâtral, la princesse en question)... et le prince de défier son père sur un ton amusé : "Mais père, on est au XVème siècle, il faut évoluer !"... Le conflit des générations est décidément une notion intemporelle.


TOUTES LES GENERATIONS S'Y RETROUVENT

Avec des vilains au sadisme à peine croyable (effroyable Maléfique et ses sbires crétins) et une héroïne très attachante -les filles s'identifient, les garçons plaident sa cause-, la Belle au Bois Dormant est un conte fantastique qui ne peut que rallier tous les suffrages (l'édition DVD parue en 2002 est d'ailleurs un écrin dont le film n'est pas l'unique joyau...).

Les nouvelles générations adoreront le rythme frénétique du récit, et se passionneront pour les embûches d'un couple qui ne demande qu'à être réuni ; les plus grands redécouvriront avec joie un Disney de l'âge d'or, à une époque où conte de fées ne rimait pas encore avec mièvrerie ni sensiblerie bon marché. Enfin, les férus de cinéma d'animation sauront apprécier à sa juste valeur un film à l'esthétique irréprochable, au graphisme général élégant et raffiné, le tout servi par un scénario diablement efficace.

Si la Belle s'est effectivement endormie pendant de longues années, la magie et l'aura du film la Belle au Bois Dormant ne se sont nullement fanées.

Gersende Bollut




Fiche d'identité


- Titre original : Sleeping Beauty.
- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h 15 min.
- Date de sortie France : décembre 1959.
- Production : Ken PETERSON/Walt DISNEY.
- Réalisateur : Les CLARK.
- Scénario : Milt BANTA et Winston HIBLER, d'après l'œuvre de Charles PERRAULT.
- Doublage VO : Mary COSTA, Bill SHIRLEY, Eleanor AUDLEY, Verna FELTON, Barbara LUDDY, Barbara Jo ALLEN, Taylor HOLMES...
- Musique : TCHAÏKOVSKY, Toma ADAIR et George BRUNS.#339966
- Box-office France : 6.585.321 entrées.
- Sortie DVD : 23 avril 2002.
- Liens Internet :
* le site français du studio Disney

* le staff complet et le découpage du film (en V.O.)
* une galerie de photos d'art

- Update Octobre 2005 -

La rédaction de Frames a reçu le point de vue très pertinent d'un lecteur au sujet de la Belle au Bois dormant. Une fois n'est pas coutume, sur autorisation de l'intéressé, nous reproduisons ici cet avis in extenso.

Je vous écris au sujet de votre chronique sur la Belle au Bois dormant afin de vous exprimer mon point de vue très personnel, car c'est bien la première fois que je tombe sur un site de qualité qui parle de façon précise des dessins animés, dont celui-ci, le plus beau Disney que j'ai vu -avec Taram et le Chaudron magique.

La Belle au Bois Dormant est sorti en 1958, année de naissance de ma mère, et a été un échec splendide aux Etats-Unis. Tout petit je ne comprenais pas pourquoi ce dessin animé ne passait pas auprès de mes camarades. Puis j'ai acheté la cassette il y a deux ans... ou on me l'a offert, je ne sais plus. Et j'ai compris quelque chose que vous n'avez pas mentionné au sujet de ce film : sa sensibilité européenne et la froideur, relative, des personnages.

Les fées sont attachantes et évoquent les bonnes petites cuisinières des cours des seigneurs allemands. Aurore est blonde comme les blés, la peau rosée, elle aurait pu s'appeler Europe. Le prince est beau, brun, orgueilleux et sûr de lui. Maléfique est sombre mais belle -oui, elle n'est pas moche comme Ursula, Médusa, Cruella, elle a la peau sombre- grise, pour évoquer l'âme noire, la couleur de peau sombre étant devenue un mauvais signe à la fin de l'ère médiévale- mais des traits fins, mince. Elle représente aussi la part violente de la Femme opposée à la part positive de la belle Aurore. Il n'y a pas de lutte entre les deux femmes, pas de lutte directe et il faut attendre l'arrivée d'un homme. Dessin animé mysogine en somme dans une société occidentale en pleine période de remous-revendications féministes déjà d'actualité dans les années 50 aux U.S.A.

La Belle au Bois Dormant est aussi un dessin animé sombre par ses couleurs, et l'ambiance gothique, mélancolique (comme les véritables contes de fées) servie par une musique classique. D'habitude les personnages chantaient des choses niaises. Aurore chante sur la ballade de Tchaikovsky, qui est présent tout au long de l'
œuvre. Les chœurs du début, lorsque les fées se penchent sur le berceau de la princesse, sont magnifiques, de par leurs teintes religieuses.

Ce dessin animé était trop avant-gardiste. Il est ressorti en France sur les écrans en 1993 mais là encore la sauce n'a pas prise car à l'époque, on avait encore en tête que les dessins animés étaient faits pour les enfants, se devaient d'être consensuels -il a fallu attendre MIYAZAKI pour faire comprendre le contraire à des millions de gens- or la Belle au Bois Dormant n'a rien de consensuel, on voit du même du sang à la fin du film, et peut être vu par tout le monde.

L'échec de ce film quelque part ne fait confirmer que le Dessin Animé, Art Noble reste un Art ingrat...

Jann Halexander -chanteur

 

"Deux décennies reines, années 40 et 50, celles de la plénitude classique du cinéma, où les chefs-d'oeuvres s'enfilaient comme les perles, en un majestueux collier dont le DVD permet d'entrevoir la magnificence"

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