Mermaid's
Scar

"Une légende raconte que celui
qui mangera de la chair de sirène aura la vie éternelle". Sur ce simple
constat, établi dès le générique (envoûtant) du film, Mermaid's Scar
-littéralement, la Cicatrice de la Sirène- nous emmène dans un thriller
totalement inattendu, hors des sentiers battus. Sombre et désespéré,
jusqu'à la moëlle. Un OAV de 3/4 d'heure qui nous plonge toujours plus
loin dans l'horreur, parfois même dans le franchement gore, avec toutefois
une pointe de poésie finale.
Yûta et Mana (deux adolescents
ayant un lien de parenté), savent que la légende en question dit la
vérité : tous deux sont en effet immortels. Mais leur expérience les
a aussi prévenu d'effets secondaires indésirables... Ainsi, en quête
d'une vie paisible et moins longue (car comme dirait l'autre, l'éternité,
c'est long, surtout vers la fin), les deux jouvenceaux se retirent dans
une petite station balnéaire. Mal leur en prend, puisqu'ils y feront
la connaissance d'un certain Masato, un petit garçon aux desseins peu
honorables, contrairement à l'apparence qu'il pourrait renvoyer de prime
abord -le film le montre maltraité et persécuté par sa mère. Agé en
réalité de 800 ans, il va en effet tout mettre en oeuvre pour éradiquer
les deux intrus, un peu trop curieux et encombrants à son goût. D'un
coup, le film bascule ainsi dans l'horreur, et la cruauté de Masato
ne semble pas connaître de limites.
Traumatisé dans une époque post-Tokyo
consécutive à la seconde Guerre Mondiale (les réminiscences japonaises
se retrouvent une fois de plus), Masato fait la douloureuse expérience
du côté obscur de l'immortalité : le premier quidam venu n'est en effet
pas forcément blindé contre les effets pervers de la chair de sirène.
Trop fragile, il peut alors devenir une âme perdue, et se transformer
irrémédiablement en monstre à l'allure hideuse et peu engageante. Après
l'échec constaté sur sa mère maternelle, puis sur sa bonne Yukiye (Masato
veut à tout prix trouver une mère remplaçante), celui-ci jette en dernier
recours son dévolu sur Mana, la jeune soeur de Yûta... qui ne l'entend
bien sûr pas de cette oreille.
D'emblée, la qualité graphique
de cet OAV étonne franchement, et rivalise sans peine avec d'autres
projets plus ambitieux, même parmi ceux destinés aux salles obscures.
Quelques petites longueurs sont à noter mais l'ambiance, sombre et étouffante
à la manière d'un huis-clos au dénouement hitchcockien, n'est pas sans
rappeller la maîtrise indéniable d'un Perfect Blue (ce dernier étant
aussi prévu à l'origine pour sortir directement en vidéo !). Délayée
sur un laps de temps somme toute réduit -en tout et pour tout une soirée-,
avec par moments des flash-backs bienvenus, l'histoire prend véritablement
son envol avec l'arrivée inopinée d'une tempête, suivie d'un cri déchirant
le ciel, venant tout droit du château où résident Masato et sa mère
(une imposante masure qui installe très rapidement un climat inquiétant)...
L'action, ainsi précipitée jusqu'au climax final, est accompagnée par
une musique discrète qui soutient avec efficacité les moments où le
répit n'est pas de mise.
Adapté d'un manga par Morio ASAKA
(Card Captor Sakura), Mermaid's Scar invite le spectateur dans une expérience
dont l'on ne ressort pas tout à fait indemne, et où nos plus profondes
convictions sont mises à mal. A la manière de l'OAV Réincarnations,
l'enfant peut en fait s'avérer être le plus redoutable des ennemis,
et les adultes de simples jouets manipulés, vulnérables jusque dans
leur chair. Déroutant, Mermaid's Scar l'est aussi jusque dans ses dialogues,
d'une crudité sans égale (Mana emploie à trois reprises des termes franchement
injurieux envers Masato, à la manière d'un exutoire).
Le parallèle avec Highlander semble
par contre inévitable, du thème des immortels jusqu'à leur déchéance
même, seulement rendus mortels avec la tête coupée... Un hommage indirect
rendu à la saga cinématographique ? Toujours est-il que Yûta déclare,
in fine : "Je connais trop la détresse d'être seul dans cette course
à l'immortalité". Ebranlé dans ses convictions, il n'est pas un esprit
faible, et refuse en fin de compte toute l'argumentation de Masato (s'attacher
à un simple mortel serait source de trop grande peine, une fois celui-ci
disparu). Du coup, le spectateur/passif se trouve en position d'actif
: seul à douter de la véracité des faits, au milieu de tant de confusion
mentale. Une oeuvre à découvrir, toutefois réservée à un public averti.
Gersende Bollut
Fiche technique
- Origine : Japon - Couleurs - 45 minutes.
- Date de sortie France : directement en
vidéo.
- Production : Madhouse.
- Réalisateur : Morio ASAKA.
- Scénario : Tatsuhiro URAHATA.
- Musique : Norihiro TSURU.
- Sortie DVD : 5 septembre 2000.
- Lien Internet : http://www.cyberdvdfilm.com/rubrique/6/seriet
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"Mermaid's
Scar est un thriller totalement inattendu, hors des sentiers battus,
sombre et désespéré, qui nous plonge toujours plus loin dans l'horreur,
parfois même dans le franchement gore"
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