Spirit

La
vocation première de Frames est de réhabiliter certains films injustement
boudés du public, ou passés directement -Dieu sait pour quelle raison-
à la trappe. Une fois encore nous nous devons donc de rétablir une vérité
au sujet d'un long métrage tout récent. En effet, et contrairement à
ce que l'on a pu lire ici et là ou entendre dans les médias, Spirit
constitue bel et bien un excellent film, fort bien rythmé et avec des
décors on ne peut plus somptueux [ND Pierre, rédac chef : Gersende
défenseur des opprimés et porte-parole des justes causes...].
UN
TIENS VAUT MIEUX QUE DEUX TU L'AURAS
C'en
devient horripilant : combien de projets nous sont chaque mois présentés
comme révolutionnaires ? Combien de longs métrages en chantier nous
vante-t-on les mérites au stade encore embryonnaire de la pré-production
? Tout cela pour qu'au final aboutisse une œuvre, sympathique avec un
peu de chance, déjà mille fois vue auparavant la plupart du temps, médiocre
dans la majorité des cas. L'adage est connu : c'est ceux qui en montrent
le moins qui épatent le plus !
Pour
dix Dinosaure, Shrek et autres Age de Glace insipides, combien de Titan
A.E. et de Géant de Fer surprises ? Façonnés dans l'ombre avec parfois
eux aussi des budgets pharaoniques, ces derniers créent l'événement
parmi les vrais fans d'animation et définissent de nouveaux standards
en terme de grammaire cinématographique. La mythique image du pot de
terre contre le pot de fer, de David contre Goliath. L'issue est connue
mais l'étonnement reste de mise.
Et
puis il y a ces films-bâtards, dont on attend beaucoup au vu des ambitions
avancées et qui, par un malheureux coup du sort, déçoivent, et retombent
tel un soufflé lorsqu'ils ont l'honneur des salles obscures. Spirit
en fait partie. Longtemps annoncé comme proprement révolutionnaire par
les hauts responsables du studio DreamWorks, le projet avait de quoi
faire piaffer d'impatience tout animefan digne de ce nom. Pourtant
en octobre 2002, voilà que le dernier-né de la boîte "qui a créé Shrek"
voit le jour, dans l'indifférence la plus totale. Le rouleau-compresseur
marketing avait pourtant démarré bien en amont avec une exposition médiatique
pour le moins impressionnante : ouverture du festival de Cannes 02 s'il
vous plaît !
La
cause : des critiques presse assassines prétendent renseigner un public
que l'on prévient blasé d'avance. Et n'y vont pas dans la demie-mesure
: "Au moins, les chevaux ne parlent pas, mais le traitement qui leur
est infligé est bien pire : leurs pensées sont formulées et chantées
dans d'atroces morceaux hard FM qui émaillent le film à intervalles
réguliers" (Première) - "A un scénario désastreux, s'ajoute
une animation pratiquement inexistante" (Objectif Cinéma)
- ou encore : "Après 80 interminables minutes de mélasse dégoulinante,
si vous êtes encore dans la salle, demandez-vous comment la SPA a permis
un tel massacre" (Positif). Stop ! Le plus robuste des équidés
n'y survivrait pas. A en croire la presse, Spirit serait davantage un
canasson boiteux qu'un fier mustang du Far-West.

C'est
donc pour le moins sceptique que je glisse le DVD dans la fente de mon
lecteur (eh oui, je fais moi-même partie du public crédule du boycott
massif investigué par la presse !), et le visionnage terminé, je me
pose en toute objectivité deux questions : suis-je devenu trop indulgent
devant une production animée, ou s'est-on foutu de moi dans les grandes
largeurs ? Une deuxième projection confirmera la seconde hypothèse.
WHITE
SPIRIT
Ressuscitant
le genre hélas moribond du western (pour lequel j'avoue posséder une
forte affinité), Spirit adopte le parti-pris ô combien courageux de
ne pas faire parler les animaux-protagonistes. C'est éminemment louable,
et de fait les réalisateurs Kelly ASBURY et Lorna COOK remportent d'emblée
l'adhésion du spectateur, là où Eric LEIGHTON et Ralph ZONDAG s'étaient
méchamment vautrés avec Dinosaure. Seul l'étalon Spirit exprime de temps
à autres ses réflexions par le biais d'une voix off (le sympathique
Matt DAMON en VO) mais tout cela est finement introduit, et bien que
faisant légèrement redondance avec l'action elle n'a pour autre but
que d'expliciter davantage les ressorts du scénario aux plus jeunes
d'entre nous. Sa présence n'est donc nullement rédhibitoire.
Les
médias auront eu tort sur un second point, là aussi trop largement martelé
pour objectiver leur position. Le hic ? La présence de chansons peu
inspirées de Bryan ADAMS. Aïe. Forcément avec un tel argument, le public
fuit en masse, encore traumatisé par l'expérience Pocahontas. Pourtant
ces airs, clairement dispensables (mais c'est ainsi, tout film d'animation
à gros budget possède son quota de sérénades), envahissent
principalement la première demie-heure du film et demeurent très
agréables. Ne possédant personnellement aucun grief envers Bryan, j'admets
toutefois que ce point pourrait en rebuter plus d'un, mais c'est le
même constat qu'avec Phil COLLINS dans le Tarzan disneyen : les grandes
valeurs de la variété américaine, jugées commerciales, passent pour
has been, ou du moins 'pas dans le coup'. Peu me chaud qu'un
Eminem ou tel groupe de hard rock cartonne auprès des jeunes, Bryan
ADAMS me convient tout autant, et ne saurait à lui seul gâcher l'intérêt
d'un film. D'autant qu'avec Hans ZIMMER à la composition (le Roi Lion,
la Route d'El Dorado), on a affaire à des pros dans le domaine. Ainsi,
nul doute que Me Voilà ou Je Reviendrai vers Toi
resteront dans vos esprits après la projection, et que vous les
fredonnerez par la suite...
L'idée
de base n'est guère originale a-t-on enfin avancé (une éternelle variation
autour du thème de la liberté) : celle-ci est pourtant traitée avec
brio, au point qu'on occulte rapidement cette notion un rien éculée.
L'amitié naissante au prix de nombreux conflits entre le cheval Spirit
et un indien est de surcroît bien traitée, avec une fin qui reste inattendue
dans ce genre de production (liberté oblige Spirit à rejoidre
les siens, laissant un peu dépité le pauvre lakota...).
Plans-séquence
filmés avec virtuosité, effets mélodramatiques réussis et réalisation
générale splendide... si Spirit n'est donc certes pas le film du siècle,
il constitue un divertissement fort recommandable.
Gersende
Bollut

Fiche d'identité
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Titre original : Spirit - Stallion of the Cimarron.
- Origine : Etats-Unis - Couleurs - 1 h
24 min.
- Date de sortie France : 9 octobre 2002.
- Production : Max HOWARD, Mireille SORIA
et Jeffrey KATZENBERG.
- Réalisateurs : Kelly ASBURY et Lorna
COOK.
- Scénario : John FUSCO.
- Doublage VO : Matt DAMON (le narrateur),
James CROMWELL (le colonel de cavalerie), Daniel STUDI (Little Creek),
Chopper BERNET (Sergent Adams), Jeff LeBEAU (Murphy)...
- Musique : Bryan ADAMS et Hans ZIMMER.
- Box-office France : 1.141.953 entrées.
- Sortie DVD : 9 avril 2003.
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Lien Internet :
http://www.dreamworks.com/spirit
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"Ressuscitant
le genre moribond du western, Spirit adopte le parti-pris de ne pas
faire parler les animaux-protagonistes. C'est éminemment louable, et
de fait les réalisateurs Kelly Asbury et Lorna Cook remportent d'emblée
l'adhésion du spectateur"
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